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Titre du blog : ère-adulte
Auteur : Ere-adulte
Date de création : 05-11-2008
 
posté le 01-02-2009 à 00:01:30

Sur la vie

La vie, c’est l’attente de la mort, n’est-ce pas? N’aimant pas attendre, je n’aime pas la vie non plus. La vie est morcelée en une infinité d’attentes, qui se succèdent ou s’entrecoupent. D’échelles variées, elles s’emboîtent aussi. Mais la vie n’est pas un Légo, en tout cas, elle est plus complexe. D’une part il y a les livres…qui coupent ou broient l’attente. Un livre suspend plutôt notre vie. C’est-à-dire qu’il met sur pause toutes nos attentes. Comment suspendre l’attente? Ne vous égarez pas: l’attente n’est pas la suspension de la vie. L’attente c’est la matière de la vie. L’attente c’est le devenir qui n’arrive pas quand la suspension momentanée est l’oubli de la vie. L’attente c’est le ressenti du présent en tant que nostalgie de l’avenir.

D’autre part, il y a les drogues qui répondent aux besoins de l’âme. L’âme a besoin de souffler, parfois. C’est pour cela toutes ces fêtes où l’on cesse d’être nous-mêmes, telles ces fêtes où l’on se déguisent, où l’on se transforme, où l’on adopte la condition inverse.

Malgré ces suspensions possibles de la vie, en général la vie qu’on éprouve elle la seule vérité, elle est un don qu’on ne peut refuser, éprouvée quotidiennement dans notre chair.

Malgré tout il reste la vie.

LA VIE EST L’ATTENTE DES ATTENTES.

Je dirais, un brin provocateur, que l’inconnu qui bat Czentovic* est moins vivant que les millions de Primo Levi de 1940 à 1945. Zweig l’explique très bien.

Dans ce cas, la non-vie, ou l’amoindrissement du champ de la vie est terrible.

Vous connaissez sans doute la méditation dans la pratique du bouddhisme. Schopenhauer dit qu’elle peut permettre à prendre le contre-pied du vouloir-vivre, à nous anesthésier de toute souffrance (c’est-à-dire désir inassouvie) .

De même pour la contemplation de l’œuvre d’art. Photologie de la vérité, de l’essence des choses.

Je propose la lecture -on y a trop rarement pensé- comme moyen d’extinction intermédiaire de la vie. La contemplation est en général trop brève pour remédier à nos maux durablement. La méditation demande un effort constant, c’est carrément une façon de vivre. Ainsi la lecture peut être un stade intéressant pour ceux qui ne sont ni flemmards, no héroïquement constant dans leurs comportements.

Lire, c’est suspendre sa vie, donc toutes ses attentes. En échange, on empreinte les aventures et les pensées des autres. Mais lire l’histoire d’un torturé ne nous blesse pas dans notre chair. Lire n’est pas la vie. Elle est une mise à distance de la vie en nous éloignant nous même de notre corps.

C’est pourquoi j’aime tant lire. Je n’ai pas le temps de penser à moi-même. Je devient vraiment un autre.

Mais je ne suis ni un drogué ni un fêtard. Je n'aime pas ces solutions. Elle tient aux écorchés tellement vifs qu'ils ne veulent plus de contenu lors de la suspension de la vie. Lire c'est s'abandonner momentanément pour autre chose. La fête, la drogue, c'est s'abandonner momentanément pour rien.