Pourquoi écris-je? Un pré-requis: savoir écrire...bon on va pas philosopher, malgré le très grand intérêt de la chose: dire cent choses simplissimes pour arriver à une métaphysique particulière. Quel besoin me pousse à cette entreprise? L'ai-je déjà dit? Je souhaite tenir ce truc jusqu'à ce que mort s'en suive; mort vous en prive. Vaste projet, je ne veux pas que ma vie soit tranchée en épisodes discontinus. En fait, je viens de penser à cette piste. Non, j'arrêterais tôt ou tard ce blog à moins que je ne meurt demain des hémorroïdes qui me guettent.
En effet, j'ai déjà à mon actif plein de blogs abandonnés, après que le premier flot d'idées qui avaient dans un premier temps justifié mon entreprise soit passé. Je veux donc que ces pages soient un peu un lieu d'archives de ma vie. Les feuilles que je noircie souvent se perdent au fur et à mesure. Je supprime facilement les idées qui m'ont traversés l'esprit puis que je juge nulles. Je veux donc assumer la totalité de mes mots qui me sont venus. Pour cela, c'est très simple, je dois lire ce que j'écrivais hier comme si je lisais un autre. Je veux à la fois que celui que j'étais hier soit un étranger, et pouvoir le sonder scientifiquement, à partir d'archives, de quelques traces de mon activité cérébrale révolue. Peut-être que ces mots que j'écrirais toutes ma vie en ce lieu intéresseront un jour un médecin du cerveau, voire un biographe éblouie par l'argent que chaque mot traitant le sujet de la personnalité médiatique que je serais devenu rapportera.
En attendant, vous allez me lire au fil de mes lectures. Voici un extrait de Dan Spercer à propos des Ethiopiens: "le léopard est un animal chrétien, qui respecte les jeûnes de l'Eglise copte, observance qui, en Ethiope, est le test principal de la religion; un Dorzé n'en est pas pour autant moins soucieux de protéger son bétail le mercredi et le vendredi, jours de jeûne, que les autres jours de la semaine; il tient pour vrai, et que les léopards jeûnent, et qu'ils mangent tous les jours: il le sait d'expérience; ils sont chrétiens: la tradition le lui garantit".
Je ne connait rien de Spercer, j'ai trouvé ça dans une sorte d'introduction de Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes? Ce petit texte est exceptionnel, non pas le travail de Spercer, qui ne fait que rapporter, mais le paradoxe mentionné. On peut dire et croire intimement des choses que l'on sait fausses; c'est pour ça que le philosophe est inférieur à l'écrivain. Il dit des choses sérieusement, pour lesquelles il se bat en revendiquant l'exactitude, quant l'écrivain peut dire la même chose avec un détachement qui l'allège. C'est cela qui fait sa force. N'hésitons pas à dire des conneries mais ne cessons pas de penser. C'est ce que je vais faire sans cesse.
Paul Veyne, historien, éclaire ensuite magnifiquement sa question. Pour les Grecs, les "vérités étaient elles-mêmes des imaginations. Nous ne nous faisons pas une fausse idée des choses: c'est la vérité des choses qui, à travers les siècles, est drôlement constituée". C'est l'imagination, qui depuis toujours est au pouvoir...ça fait penser à Popper, c'est tellement bon. Je suis même tenté de dire VRAI.